Une photo du Mont Sinjâr et un changement de perception du PKK par l’Occident

22.08.2014 Vatan
Traduit par: Haldun BAYRI /
Orjinal Metin (tr-16/08/2014)

Cette photo est révélatrice. Les détails d’abord : la photo est prise au Mont Sinjâr où les Ezidis ont trouvé refuge en fuyant l’invasion de l’EIIL (devenu État Islamique). Comme on le sait, les combattants de l’EIIL, se sont déployés avec des armes lourdes confisquées à l’armée irakienne à Mossoul après avoir pris cette ville sans difficulté ; et les Pechmergas n’ayant pas résisté, la population civile qui fuyait devant leur cruauté s’est réfugiée au Mont Sinjâr.
La première force ayant accouru au secours des Ezidis avait été le YPG (branche militaire du PYD kurde, de la même mouvance qu’Abdullah Öcalan) et les membres du HPG (branche militaire du PKK/KCK), qui combattent contre les groupes comme l’ÉI et Al Nosra dans la Rojava. Les avions américains ont bombardé certaines positions de l’EIIL autour du Mont Sinjâr pendant ces combats. Ensuite une centaine de militaires des forces spéciales américaines sont parvenus au Mont Sinjâr, accompagnés d’envoyés de l’USAID, institution officielle américaine d’aide internationale. Les Pechmergas escortaient ces Américains.
Cette photo a été prise alors que la population de Sinjâr protestait contre le retard des Pechmergas et des Américains. D’après les journalistes en mission dans la région, le civil en chapeau qui se trouve au milieu est un responsable de l’USAID, un guérillero du YPG fait l’interprète entre lui et la population, et l’homme armé que l’on voit de dos est un combattant du HPG.


L’occasion offerte par l’EIIL
Il y a quelque temps, j’avais écrit un article intitulé « Pourquoi le PKK est demandeur pour combattre l’EIIL ? » à partir des déclarations du Mont Qandil, juste après la prise de Mossoul par l’EIIL, dans lequel j’avais d’abord dit que le PKK voulait gagner une légitimité internationale, voire du prestige, en combattant contre Al Qaida, ennemi no. 1 de l’Occident ; et j’avais reçu beaucoup de réactions qui disaient en résumé que le PKK n’avait en réalité qu’un seul but : défendre le Kurdistan contre les occupants.
Le PKK, qui a des bases solides dans la population non seulement en Turquie, mais en Irak, en Syrie et en Iran aussi, doit sans doute considérer la protection des territoires kurdes comme une priorité dans sa guerre contre l’EIIL et les structures semblables. En effet, en lisant l’interview que Güney Yıldız (BBC) a fait avec Tekoşêr Zağros, commandant du HPG (PKK komutanı IŞİD'e karşı savaşı anlattı - Güney Yıldız), nous comprenons que le PKK souhaite utiliser avec l’EIIL le seul langage qu’il comprenne, et qu’il y réussit assez bien.
Cependant il est certain aussi que le PKK est en train de convertir l’atmosphère de terreur et de cruauté créé par l’EIIL dans la région en occasion profitable pour son organisation, usant pour cela  d’une stratégie intelligente. Le fait que l’EIIL, qui a facilement neutralisé l’armée irakienne à Mossoul et les Pechmergas à Sinjâr et Mahkmour, ne puisse pas s’imposer contre le YPG et le HPG, qui sont sur la même ligne que le PKK et qui comptent de nombreuses combattantes dans leurs rangs, attire l’attention du monde entier. Ainsi, au trentième anniversaire des assauts de Eruh et Şemdinli (les premières actions spectaculaires du PKK en 1984), le PKK n’est plus considéré comme « terroriste » par les pays occidentaux. Les appels deviennent de plus en plus insistants pour que le nom du PKK soit rayé de la liste des organisations terroristes, et cela est manifestement en relation avec ce que l’on vient de vivre en Irak.

L’avenir des pourparlers pour la résolution du problème kurde

Les pourparlers pour la résolution du problème kurde en Turquie, et par conséquent l’atmosphère de trêve aussi avec les autorités d’Ankara, jouent un rôle important dans le changement de perception du PKK sur le plan international. Autrement dit, si le PKK était encore en guerre en Turquie, il n’aurait pu ni se concentrer autant sur les  développements en Syrie et en Irak, ni être considéré comme un acteur légitime par le Gouvernement Régional du Kurdistan et les puissances occidentales.
Nous pouvons donc aisément affirmer que les pourparlers et négociations actuelles ont ouvert la voie pour que le PKK devienne plus actif dans la région. Pour cette raison, le Mouvement politique kurde devrait renforcer encore le processus des négociations s’il veut accroître sa position de « force régionale » qui est en train d’être bel et bien certifiée. Dans ce contexte, le retrait entier des forces armées du PKK sous certaines conditions, qui a été récemment prononcé par Abdullah Öcalan, pourrait bien sûr venir prochainement à l’ordre du jour. Et ce serait bien.

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