Suite du débat sur le néo-salafisme

26.03.2014 Vatan
Traduit par: Haldun BAYRI /
Orjinal Metin (tr-20/03/2014)

J’ai écrit deux articles (10 et 11 mars) sur les péripéties probables du mouvement islamiste en Turquie depuis le processus déclenché le 17 décembre 2013. J’avais terminé le dernier article, intitulé « En attendant les salafistes », en disant qu’on allait continuer le débat. Mais notre cher jeune frère Berkin Elvan qui a renoncé à s’accrocher à la vie et tout ce qu’on a vécu depuis sa mort, m’a poussé à remettre à plus tard cette promesse. Nous allons simplement aujourd’hui reprendre là où nous nous étions arrêtés.
Je voudrais évoquer un peu la Tunisie pour mieux développer mon propos sur le courant « néo-salafiste », que j’estime capable de marquer le mouvement islamique dans notre pays dans un proche avenir. Il y a deux ans, j’ai couvert la visite en Tunisie du Président Abdullah Gül. En y discutant dans un lycée d’élite avec un groupe de lycéennes dont certaines portaient le foulard, j’ai observé qu’aucune d’elles ne s’inquiétait du parti islamiste Ennahda qui faisait partie de la coalition locale au pouvoir. Mais presque toutes exprimaient ouvertement leur peur des salafistes.
Ensuite nous sommes allés avec Gül à l’Assemblée nationale constituante qui préparait la nouvelle Constitution tunisienne. Lorsque nous y sommes entrés, la présence de drapeaux tunisiens en très grand nombre a attiré notre attention. On nous a dit qu’un salafiste avait descendu le drapeau tunisien à l’Université de Tunis pour le remplacer par un drapeau noir, et qu’il y avait eu de nombreuses réactions dans le pays envers cet acte.
Les députés qui avaient hissé partout des drapeaux tunisiens dans l’Assemblée, venaient des partis de tendance laïque. Mais les adeptes d’Ennahda n’y allaient pas non plus de main morte dans cette réaction nationaliste. Ils ont par exemple accompagné de vive voix l'hymne national qu’ont soudain entonné les députés non-islamistes.

L’indignation de Gannouchi

Le lendemain, nous avons eu l’occasion de converser avec Rachid el Gannouchi, le leader légendaire d’Ennahda. « Qu’allez-vous faire à ces salafistes ? » lui ai-je demandé, et il m’a répondu : « Ce sont nos fils et nos frères. Des hommes bons pour la plupart. Le dialogue avec eux, c’est important pour nous. Nous essayons de les convaincre. Mais s’ils attaquent les autres, les lois seront appliquées pour eux aussi. »
Mais il n’en a rien été. Les salafistes ont fait beaucoup de mal à la Tunisie sur la voie de sa transition vers la démocratie. Récemment interviewé par l’Agence Anatolie, Gannouchi a accusé les salafistes de « bêtise » et il a dit : « Ils ne peuvent pas saisir la vérité de l’Islam. Leur responsabilité dans la chute des gouvernements de Hamadi el Djibali et de Ali Arıd, qui sont des produits remarquables de la Révolution tunisienne, leur suffit comme erreur. Ils croient qu’ils font du bien. »
À la question « Pourquoi les jeunes croyants deviennent des salafistes ? », Gannouchi répond ce qui suit : « Ces jeunes sont des victimes d’un régime qui a asséché les sources de l’Islam, interdit l’éducation religieuse et mis des obstacles devant l’Islam politique. L’oppression dans le pays a ouvert la voie aux courants extérieurs. Le peuple tunisien modéré et tolérant, n’est pas de nature extrémiste ni prompt à proférer des anathèmes. »

Des leçons à tirer

Nous pouvons résumer la plupart des critiques à ma constatation selon laquelle le courant néo-salafiste pourrait devenir influent dans notre pays, en nous inspirant de cette phrase de Gannouchi : « Le peuple tunisien modéré et tolérant n’est pas de nature extrémiste ni prompt à proférer des anathèmes. » La phrase en elle-même nécessiterait des discussions, mais même si ce qu’elle affirme est vrai, il est désormais bien difficile de nos jours pour les communautés musulmanes de conserver leurs traditions, comme on le voit clairement dans l’exemple tunisien. En Turquie notamment, cela est devenu impossible. D’ailleurs le salafisme a une certaine puissance dans notre pays. Il est possible que bien des jeunes d’obédience salafiste soient en train de guerroyer en Iraq, Syrie ou Afghanistan, mais rien ne garantit qu’ils ne reviendront pas chez eux pour transférer leur djihad en Turquie.
Par ailleurs, le mouvement islamique en Turquie se développe beaucoup grâce à la base et aux moyens offerts par le pouvoir de l’AKP, mais plus il se développe plus il renforce une partie vétuste et sclérosée du système. Ceux qui s’en plaignent cherchent alors à trouver un nouveau refuge sous les ailes du néo-salafisme. À tel point que, même le mouvement Nourdjou, qui constitue l’une des épines dorsales de l’islamisme en Turquie, a pu voir apparaître en son sein des groupes d’inspiration salafiste.
Il est clair que la Turquie, dont l’ordre du jour est occupé par la corruption, les pots de vin, les écoutes légales et illégales, la crise politique, etc., ne peut pas pour l’instant s’intéresser beaucoup au salafisme. Mais il ne faut jamais perdre de vue que, justement, ces questions créent un environnement extrêmement favorable pour le salafisme.   




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