Les salafistes sont parmi nous

11.10.2014 Vatan
Traduit par: Haldun BAYRI /
Orjinal Metin (tr-01/08/2014)

Il y a plusieurs années, une connaissance de Şanlıurfa qui me faisait visiter la ville m’avait dit : “Tout le monde sait bien que les gens ici réfléchissent à partir de ce qu’ils voient !” J’ai eu maintes occasions, en divers endroits et époques, de tester la véracité de cette constatation.
  En voici un dernier exemple : au début du mois de mars, j’avais terminé de la façon suivante un article écrit pour analyser l’état actuel du mouvement islamique en Turquie : “Car après cette grande déception et la débâcle que le mouvement islamique traverse, la Turquie peut être témoin d’une vague islamiste d’une dureté qu’elle n’a jamais connue auparavant dans son histoire. L’islamisme n’est pas un problème en soi. Mais ce dont je parle essentiellement, c’est du courant appelé « néo-salafiste ». Je pense que tout ce que nous venons de vivre constitue une base extrêmement favorable pour ce « néo-salafisme » qui a déjà bouleversé plusieurs pays d’Islam et la plupart des communautés musulmanes vivant en Occident, ce qui inquiète surtout les formations islamiques traditionnelles, et cela même si ce courant n’a jamais pu s’enraciner sérieusement en Turquie jusqu’à aujourd’hui.”
  J’ai reçu des réactions multiples et différentes, au-delà de ce que j’attendais, pour ce paragraphe final. Mes lecteurs les plus conservateurs pensaient que j’exagérais, qu’historiquement la Turquie n’était pas un terrain propice pour le salafisme, et que ce courant ne pouvait en aucun cas s’épanouir sur nos terres. J’ai écrit encore deux articles à partir de ces réactions. L’un s’intitulait : “En attendant les salafistes”. Mais il n’a pas été possible de calmer en quoi que ce soit ceux qui disaient : “néo ou paléo, le salafisme ne pourra jamais s’installer chez nous”. Ils ont même dit : “il est vain des les attendre, ils ne viendront pas.” Mais quand les images de la prière de l’Aïd exécutée à Ömerli (Istanbul) par de nombreux salafistes sont parvenues à la presse, les objections ont naturellement cessé. Je ne crois donc pas qu’il y aura trop d’objections au titre de cet article, car nous avons tous vu qu’il n’a pas fallu attendre bien longtemps : les salafistes sont déjà parmi nous.

La partie visible de l’iceberg

Dès le début on a prétendu que ces personnes avaient des liens organiques avec l’ÉIIL (État islamique d’Irak et du Levant, État islamique de son nouveau nom) mais ces accusations ont été rejetées par les organisateurs de l’événement. Soulignons tout de même que, dans le texte de démenti publié sur un site internet, il ne se trouvait aucun propos négatif sur l’ÉIIL ni sur son “calife” Al-Baghdadi.
Ces personnes peuvent être en relation directe avec l’ÉI, ou avec Al-Qaida qui est en conflit depuis quelque temps avec lui, ou alors avec l’un des groupes radicaux islamistes qui font la guerre en Syrie et en Irak ; ils peuvent même ne pas avoir actuellement de connexion avec aucun de ces groupes. Mais d’après ce que montrent les images de ces festivités, de même que les sujets qu’ils traitent sur internet et leurs commentaires, nous pouvons aisément affirmer que le néo-salafisme est parvenu à un certain stade d’organisation en Turquie. Soulignons aussi que différents groupes salafistes se trouvent à Istanbul, que c’est surtout dans les villes à population kurde que l’intérêt pour le courant néo-salafiste augmente, et que seule une toute petite partie de ce potentiel s’est manifestée à Ömerli.

La Turquie prise en otage

Les images d’Ömerli ont certainement été utiles pour rendre évidente l’existence du mouvement salafiste dans notre pays. Mais quand on pense que ces images ont été mises en circulation par les organisateurs mêmes, il est clair qu’elles ont aussi une fonction de propagande. On comprend qu’ils veulent gagner à leur cause les personnes impressionnées par la prise de Mossoul par l’ÉIIL et par la proclamation d’un “État islamique”, voire d’un “califat”, mais qui ne savent pas exactement ce qu’elles doivent faire.
En bref, tant que l’instabilité durera en Irak et en Syrie, tant que le gouvernement de l’AKP n’améliorera pas ses relations avec les diverses parties combattues par l’ÉIIL, Al-Qaida ou par les organisations du même acabit (ce qui ne se limite pas aux seules administrations de Bagdad et de Damas, mais qui comprend aussi les Kurdes qui mènent une guerre de survie à Rojava en Syrie), et tant que la Turquie restera un centre logistique pour les salafistes étrangers en route pour guerroyer en Irak ou en Syrie, et bien sûr, tant que nos citoyens tenus en otages par EIIL ne seront pas sauvés, on ne pourra pas faire grand chose contre la ligne djihadiste néo-salafiste en pleine expansion.

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