Kobane comme tournant : Notes sur l’EI(IL) et le PKK

06.10.2014 Vatan
Traduit par: Haldun BAYRI /
Orjinal Metin (tr-01/10/2014)

L’EI(IL): Considéré au début comme une organisation à base confessionnelle, et qu’on pensait ne viser essentiellement que les Chiites et les Nusayris en Syrie et en Irak, depuis quelque temps l’EI(IL) ne combattrait que les Kurdes, dirait-on. Ce qui montre que les guerres confessionnelles ne constituent pas la seule menace dans la région.
 
–  A Kobane, on a vu que l’EI(IL) tire sa vraie force de la peur qu’il inspire. Ayant prit Mossoul presque sans tirer une balle, cette organisation a rencontré pour la première fois un peuple et une organisation qui n’ont pas peur, et qui résistent sérieusement, ce qui l’a fait trébucher malgré sa supériorité évidente en armes.

– Avec le bon moral de la résistance de Kobane, et avec le soutien des frappes aériennes de la coalition internationale, les Pechmergas du Gouvernement Autonome du Kurdistan d’Irak (KBY) tentent de reconquérir les positions occupées par l’EI(IL) au Kurdistan d’Irak en engageant de violents combats. Les forces du HPG dépêchées de Kandil les aident dans cette tâche. Donc l’EI(IL), en voulant étendre le terrain de sa  domination, pourrait subir des pertes.
 
– Ne pas avoir réussi à prendre Kobane ne signifierait pas la fin de la route pour l’EI(IL), mais il est clair que sa situation en Syrie en pâtirait. Au cas où l’EI(IL) déplace son centre de gravité vers l’Irak, il aura toujours les Kurdes en face. S’il arrive à prendre Kobane (et après ce stade, cela semble bien difficile), n’y ayant pas de soutien populaire, ce ne lui serait pas possible de tenir la ville dans ses mains. Autrement dit, il pourrait même regretter de l’avoir prise.

– Il est certain que les frappes aériennes de la coalition porte  des coups à l’EI(IL). Par contre, comme l’écrit Hassan Hassan dans The Guardian (http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/sep/28/what-isis-loses-strength-air-strikes-gain-legitimacy?CMP=twt_gu ), l’EI(IL) reserre ses rangs et renforce sa main face aux autres organisations islamistes concurrentes grâce à cela (on dit que ses recrues venant des groupes concurrents ont augmenté depuis les frappes aériennes), il se débarrasse des accusations selon lesquelles il serait un « tâcheron et agent des grandes puissances », et suscite de plus en plus d’intérêt et de sympathie dans le monde islamique en général.
 
Le PKK: – La résistance de Kobane est un vrai tournant pour le mouvement de PKK. Car la Rojava, donc Kobane, est un laboratoire où est expérimentée l’«autonomie démocratique», proposée par Abdullah Öcalan, et en même temps une clef pour le PKK afin de devenir une « puissance régionale ». La perte de Kobane ferait de l’ombre sur toutes ces prétentions.
 
– Au cas inverse où la résistance de Kobane sortirait victorieuse, le PKK aurait traversé une étape très importante en vue de devenir une « puissance régionale ». De plus, son prestige international augmenterait en tant que première  organisation à mettre l’EI(IL) à genoux, organisation pour la destruction de laquelle tout le monde est mobilisé.
 
– C’est de ce point de vue qu’il faudrait considérer l’approche d’Ankara en ce qui concerne la résistance de Kobane, qui se ferait plus par l’axe du PYD/YPG, donc du PKK, que par celui de l’EI(IL). Il n’est pas certain que la stratégie de désigner le PKK (et bien sûr, le régime d’Assad aussi) avec l’EI(IL) comme des cibles pour la coalition internationale, ce que tentent tous les noms importants du pouvoir politique, à commencer par le Président Erdoğan, soit très fructueuse. Mais nous pourrions attribuer le manque d’entrain de la coalition lorsqu’il s’agit de bombarder les positions de l’EI(IL) encerclant Kobane, aux réserves d’Ankara.
 
– La tension observée à Kobane entre les parties menant une négociation pour une solution en Turquie, met aussi naturellement en péril le processus de résolution du problème kurde. Il est intéressant de noter : pendant que Kandil fait des déclarations mettant en garde contre l’éventualité d’une fin du processus à cause de Kobane, le Gouvernement turc insiste sur l’intouchabilité de ce processus. Sur ce point, le Gouvernement doit beaucoup compter sur Abdullah Öcalan, et doit espérer qu’il orienterait Kandil, donc le PYD/HPG, vers une direction plus conforme avec la position d’Ankara.

– C’est possible. En effet, avec les déclarations qu’il ferait, le leader du PKK pourrait réaliser un changement des positions de son mouvement en Turquie, en Irak et en Syrie, selon les attentes du Gouvernement. Mais il faut souligner un point: aucune branche et aucun acteur du mouvement de PKK ne manifeste des approches qui dérangent le pouvoir politique en ce moment sans que Öcalan n’en soit au courant, et surtout pas malgré lui. Par exemple le Premier Ministre Davutoğlu montre du doigt Salih Müslim comme responsable des problèmes entre le PYD et Ankara. Or, Öcalan est tout à fait au courant de ce qui se passe en Rojava (et en Turquie, et en Irak…), et ses consignes y sont suivies. Bref, il n’est pas du tout convaincant d’interpréter les possibles changements de politique du leader du PKK, comme si Öcalan aurait “remis Kandil à sa place”.
 
– Par ailleurs, il est clair que les tentatives pour discréditer les autres acteurs du Mouvement politique kurde, en passant sans cesse le ballon à Öcalan, n’est pas tellement ingénieux pour le salut du processus de paix. C’est pourquoi la rencontre Davutoğlu-Demirtaş, attendue aujourd’hui, est un pas positif.

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