En attendant les salafistes

26.03.2014 Vatan
Traduit par: Haldun BAYRI /
Orjinal Metin (tr-11/03/2014)

Parfois une seule phrase dans l’un de vos articles suscite plus d’intérêt que nombre de vos articles. J’ai reçu plusieurs réactions positives et négatives à la constatation finale de mon article d’hier, selon laquelle les événements de la période récente préparerait une base extrêmement favorable pour le courant « néo-salafiste » qui n’avait pas pu s’enraciner sérieusement dans notre pays jusqu’à aujourd’hui.

Nous pouvons répartir les lecteurs en trois groupes :
1)  Ceux qui pensent qu’historiquement la Turquie n’est pas favorable au salafisme, et que dans n’importe quelles conditions, ce courant ne pourrait prendre racine sur cette terre ;
2)  Ceux qui pensent que le salafisme pourrait se manifester d’une manière plus marquante que dans le passé, mais que l’habituelle interprétation sécularisée et démocratique de l’Islam finirait par l’emporter.
3)  Ceux qui craignent que le courant salafiste devienne prépondérant, en laissant les autres interprétations dans l’ombre.

Un courant très ancien

Je suis plus proche du dernier groupe. Avant d’expliquer pourquoi, faisons quelques rappels sur le salafisme : salaf signifie « prédécesseur ». En étant l’une des plus anciennes doctrines de la foi dans la pensée islamique, le salafisme se fonde sur une pratique de vie calquée sur celle dont les premiers musulmans ont donné l’exemple. Élaboré par Mohammed bin Abd’ul-Wahhab à la suite des pionniers comme Ahmed ibn Hanbel et Ibn Taymiyya, le wahhabisme est le système de croyance salafiste le plus influent.
« Le néo-salafisme », qui constitue notre propos principal, est un courant transnational s’inspirant en grande partie du wahhabisme, et même soutenu et financé par des institutions officielles wahhabites. Nous en avons vu un premier exemple notable en Afghanistan avec les Talibans. Ensuite Al Qaida, en proche collaboration avec les Talibans, a rendu célèbre la « nouvelle approche salafiste » au niveau mondial. Sous l’effet d’organisations semblables, associées au sponsoring des régimes du Golfe, de nouveaux groupes salafistes sont apparus l’un après l’autre.

La colère individuelle au lieu de la contestation sociale

En prenant comme point de départ les exemples des Talibans et d’Al Qaida, il ne faut pas penser que le néo-salafisme est un courant basé uniquement sur la violence. Tout en séduisant certains, surtout des jeunes, prêts à mourir ou à tuer avec une apparente facilité, il y a plusieurs groupes et partis néo-salafistes en activité qui demeurent dans un cadre légal. L’exemple le plus illustre en est le Parti Nour en Égypte qui a pu soutenir le coup d’État militaire contre les Frères Musulmans.
Le néo-salafisme répond aux recherches de sincérité et de puritanisme des jeunes croyants qui réagissent contre les structures traditionnelles religieuses en même temps que contre le système établi. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les jeunes qui donnent son vrai dynamisme aux mouvements salafistes ne viennent pas des classes pauvres mais des classes moyennes, et avec un certain niveau d’éducation. Ils promeuvent des idéaux de communauté renvoyant au temps de Mahomed, contre la structure strictement hiérarchique des groupes religieux traditionnels. Une idée caractéristique qui distingue les néo-salafistes des autres, c’est que, à la guerre, les commandants meurent autant que les soldats.

L’occasion que la Turquie a manquée

Dans un pays comme la Turquie où des confréries comme les Nakchibendis et les Kadiris, des écoles comme celles des Suleïmandjis et des Nourdjous, et une tradition d’obéissance à l’État sont puissants, le néo-salafisme ne pourrait dépasser la marginalité, dit-on. On attire l’attention sur la présence moindre, dans notre pays, des organisations néo-salafistes, à commencer par Al Qaïda pour renforcer cette thèse. C’est vrai, mais nous savons aussi que de nombreux guerriers de nationalité turque se battent depuis des années sur les champs du djihad comme en Afghanistan, en Tchétchénie, en Iraq, ou en Syrie, et que certains sont devenus avec le temps des salafistes. Dans le cas où même une petite partie de ces guerriers prendrait la décision de retour au pays, nous pourrions être témoins d’une vague salafiste puissante en Turquie. Reviendraient-ils ? Si pour une raison ou pour une autre, par exemple dans le cas où la Turquie était considérée comme une « terre de djihad » avec la perte du pouvoir par l’AKP, cela pourrait être possible. 

Les enfants des classes moyennes croyantes

Mais les vrais porteurs de cette vague néo-salafiste dans notre pays seront les enfants des classes moyennes néo-conservatrices, très renforcées par les effets de la jouissance des bienfaits du système, surtout depuis la période où l’AKP a détenu le pouvoir. Le pouvoir de l’AKP, qui est actuellement dans sa douzième année, a offert de grands moyens matériels à ces jeunes, mais il les a laissés plutôt sur leur faim du point de vue moral. Le fait que les mères de ces jeunes soient toujours laissées au second plan à cause de la mentalité machiste de l’AKP, constitue une responsabilité majeure, à l’origine de la colère accumulée par ces jeunes.
Par ailleurs, le Premier Ministre Erdoğan a plutôt gâché la chance qu’il avait de devenir un modèle pour les Musulmans du monde entier, en instaurant la démocratie et en faisant la promotion dans un pays majoritairement musulman. Mais lorsque vous optez pour le majoritarisme au lieu du pluralisme, vous ne permettez pas qu’une culture démocratique puisse s’épanouir dans votre pays.
En dernier lieu et plus récemment, les interprétations gauchistes de l’islamisme qui se sont surtout révélées pendant les protestations de Gezi, n’ont pas pu apparaître comme une vraie alternative, à cause du manque d’expérience de leurs porteurs, et cela malgré le boulevard qu’ils trouvaient ouvert devant eux à cause de la faiblesse des mouvements de gauche.
Nous nous arrêtons là, mais le débat sur ce sujet vital va continuer avec les critiques et commentaires venus des lecteurs.




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