Celui qui sous-estime Al Qaida est certain de perdre

15.04.2014 Vatan
Traduit par: Haldun BAYRI /
Orjinal Metin (tr-14/04/2014)

Le journaliste américain Seymour Hersh a écrit un article désignant le Front Al Nousra, lié à Al Qaida, comme responsable de l’attaque chimique qui a eu lieu le 21 août dernier à Guta, banlieue est de Damas. Hersh prétend que c’est Ankara qui a guidé Al Nousra vers cette attaque, voire l’a aidé à se procurer l’arme chimique. Je ne crois pas que l’on pourra savoir à court terme si cette accusation, à laquelle j’ai déjà consacré deux articles, est fondée ou non. Cependant, comme je l’ai déjà souligné dans chacun de mes articles, le Gouvernement turc se doit de dénoncer avec force les accusations selon lesquelles il aurait des relations directes ou indirectes avec Al Qaida.

Deux bases différentes

Les accusations, proférées dans le contexte de guerre civile en Syrie, selon lesquelles Ankara serait directement ou indirectement en relation avec Al Qaida reposent sur deux bases :
1) Les succès rapides du « Printemps Arabe » en Libye, en Tunisie et en Égypte, ont suscité une très nette attente de changement de régime en Syrie aussi. Et le Gouvernement de l’AKP a rompu les ponts avec Bechar Assad, avec lequel il entretenait jusque là de très bonnes relations, pour soutenir ouvertement l’opposition syrienne menée par les Frères Musulmans. Mais le régime syrien a su survivre grâce au soutien de l’Iran et de la Russie. Par la suite, les foyers de soutien à l’opposition syrienne ont rapidement ouvert la voie aux groupes en relation avec Al Qaida, devenus de bons professionnels dans la guerre asymétrique. Le nom de la Turquie a commencé à être cité dans ce contexte, après ceux de l’Arabie Saoudite et du Qatar.
2) Le long de la frontière syrienne, dans la région de Rojava majoritairement habitée par les Kurdes et pour laquelle le régime d’Assad montre peu d’intérêt, le PYD, sur la ligne de Abdullah Öcalan, a pris les devants et a déclaré ouvertement son intention d’autonomie. Et soudain, sont apparus certains groupes armés, directement ou indirectement en relation avec Al Qaida, pour affronter le PYD. Les milieux du PYD ont prétendu que le principal soutien de ces groupes était Ankara. Ensuite, un différend sérieux a éclaté entre IŞİD (L’État Islamique d’Irak et de Damas) et la Turquie à propos de la sépulture de Suleïman Shah.

Acteur principal ou secondaire ?

Puisque l’on discute des relations possibles de la Turquie avec Al Qaida, il nous faut rappeler d’abord une réalité : dans notre pays (mais cela doit être pareil dans le reste du monde aussi), une grande partie des gens ne croit toujours pas à l’existence d’une structure véritable islamiste transnationale appelée Al Qaida et préfère expliquer les actions assignées à cette organisation par la théorie du complot
Une autre réalité est celle-ci: la plupart de ceux qui acceptent l’existence d’Al Qaida n’attribuent pas une réelle force indépendante ni une importance notable à cette structure. Autrement dit, c’est une tendance très répandue de considérer Al Qaida comme un acteur ordinaire, aisément manipulable, utilisable même, plutôt qu’un acteur principal dans les grands jeux stratégiques auxquels il prend part.
C’est une grande erreur. Et à l’origine de cette erreur, se trouve le fait qu’Al Qaida n’a rien pu obtenir de concret malgré les actions spectaculaires qu’il a revendiquées. Si cette constatation est juste au premier abord, Al Qaida a cependant placé la barre si haut (mettre l’Occident à genoux) qu’il n’est de toute façon plus possible qu’il parvienne à ses fins.
On néglige d’autre part souvent une autre réalité : même s’il n’a pas gagné grand chose jusqu’à aujourd’hui, Al Qaida n’a pas perdu non plus. Et plus important encore : il s’agit d’une structure qui a causé de cuisantes défaites dans les centres du pouvoir global, à commencer par les États-Unis. Si l’on tente un bilan, on observe que les dégâts qu’il a causés chez ses ennemis sont beaucoup plus graves que ceux qu’il a subis.
Il est assez clair que Al Qaida, ayant surtout bouleversé les rapports de force globaux depuis le 11 septembre, n’a pas réussi à être victorieux en Afghanistan, au Pakistan, en Iraq ou en Syrie, mais il est aussi évident que la présence d’Al Qaida et ses actions interminables constituent une des raisons principales de l’absence de stabilité dans ces pays depuis des années.

L’enchantement n’y est plus, mais…

Je pense qu’Al Qaida a emprunté une trajectoire qui le mène à sa perte, processus qui a commencé, après la mort d’Ousama Bin Laden, par son remplacement par Aïman Al Zewahiri. La raison principale qui me fait penser cela, c’est d’abord la perte de l’enchantement qu’a pu créer Al Qaida. Au début du mois d’août dernier, j’avais tenté de détailler en huit points ce désenchantement envers Al Qaida (voir mon article du 1er août 2013).
Toutefois il est indispensable de ne pas oublier qu’Al Qaida reste une force très sérieuse, tout proche de nous, et même chez nous. Il convient de ne jamais se laisser aller à la tentation de l’utiliser, et il faut au contraire développer et mettre en œuvre des stratégies très claires, systématiques et déterminées contre lui.
En une phrase : si vous sous-estimez Al Qaida, vous êtes sûrs de perdre !

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